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Cachez ce sein que je ne saurais voir…

« Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.

Par de pareils objets les âmes sont blessées,

Et cela fait venir de coupables pensées. »

Tartuffe, III, 2 (v. 860-862)

« Le refus de porter les yeux sur les appas de la femme fait partie des traits de comportement généralement attribués au dévot hypocrite. »

L’hypocrisie de notre éducation judéo-chrétienne l’a rendu « tabou ».

Et pourtant, le sein appartient bien aux deux sexes ! Questions d’hormones, la nature le fait se développer harmonieusement pour le sexe féminin.

Il est donc l’un des symboles de la féminité, et aussi la partie « nourrissante » de la mère pour son enfant dans le cadre de l’allaitement.

Lorsque l’on est une petite fille qui approche de la puberté, notre corps subit bien des transformations auxquelles  nous ne  sommes parfois pas assez informées.

Pour peu que cette partie du corps soit « niée » par notre mère, ou objet de polémique, vous pouvez imaginer le rapport que nous allons entretenir avec lui plus tard !

Et pourtant nos seins, nous y tenons ! Mais nous ne leur apportons pas toujours une attention attentionnée.

Regardez le nombre de femmes qui lors de leur toilette, survolent cette partie du corps. On nous a appris à les « tâter » pour vérifier si tout va bien et si rien n’est anormal, mais là encore, je ne suis pas sûre de la façon dont ils sont approchés.

Les seins sont censés être une zone érogène, qui stimulés, font ressentir du plaisir lorsqu’ils sont caressés. Combien se laissent-elles caresser les seins ? Et comment sont-ils caressés ?

Il ne s’agit pas de mamelles que l’on va traire, ou que l’on va traiter avec brusquerie comme dans certains films pornos ! Non, les seins mérite de l’attention, de la douceur et si on nous apprenait à les caresser et à leur apporter une attention différente, nous aurions plus de plaisir à les laisser caresser.

Ayant été touchée par un cancer du sein, avec ablation de la tumeur et radiothérapie, je peux vous dire qu’aujourd’hui, je me rends compte encore plus  de leur importance et de la place qu’ils occupent dans la vie d’une femme.

Accompagnatrice également de femmes ayant eu des cancers du sein, et pour certaines ayant subies une ablation de celui-ci avec ou pas reconstruction,  je peux vous dire que le rapport avec leur corps n’est pas un long fleuve tranquille.

Il s’agit de faire un deuil, de passer par toutes les phases émotionnelles, avant de pouvoir arriver à une phase où je vais l’aider à ré- apprivoiser son corps, le toucher et le laisser toucher. Retrouver une vie sexuelle agréable.

Je me souviens avoir visionné il y a quelques temps, une vidéo sur des femmes atteintes de cancer du sein sur la restructuration ou le désir de rester Amazone.

Différentes techniques étaient employées et j’ai été frappée par un point particulier, auquel je n’ai pas été confrontée lors de mes accompagnements puisque, soient je les accompagne juste après leur opération , soit je les voie quand la restructuration totale a été pratiquée : j’entends par restructuration totale, l’esthétique du sein, son modelage et le mamelon.

Je me suis aperçue que lorsque le sein été restructuré, on ne voyait pas de mamelon, cela se fait apparemment  dans un autre temps.

Et du coup, ce qui fait le sein : c’est le mamelon ! C’est lui la partie nourrissante !

C’est par lui que le lait maternel s’écoule, c’est lui, que l’on « suçote » du bout de la langue dans les jeux érotiques, c’est lui la zone « érogène »

En ce qui me concerne, j’ai gardé mes deux seins, celui qui a été opéré, n’a qu’une petite cicatrice autour du mamelon, pour le reste, il n’a pas trop perdu de galbe mais a gardé une zone un peu plus dure au toucher. Je peux vous  faire une confidence, avant cet épisode de vie, mes seins n’étaient pas forcément une zone érogène chez moi, ni une partie du corps avec laquelle j’étais le plus à l’aise. Et après tous ces mois de traitement, j’ai eu beaucoup de mal à me montrer le torse nu, alors que je suis plutôt à l’aise avec mon corps en temps normal.

Je gardais un soutien -gorge, je devrais plutôt dire une brassière souple, car lorsque l’on a été opérée du sein, les beaux  soutiens- gorge  à baleine exit des beaux dessous pour un bon bout de temps !

Inutile aussi de vous dire que « pas touche », bas les pattes, plus par peur de ce que mon compagnon pourrait ressentir en le touchant que par peur d’avoir mal, même si c’était quand même aussi un peu le cas.

Ce comportement, quel que soit le stade où nous en sommes, le l’ai retrouvé dans presque tous mes accompagnements.

Une chose est certaine, quoique nous ayons subi, nous sommes toujours une femme.

Notre féminité ne se limite pas à une paire de seins. Il y a donc tout un parcours à restructurer à partir de nos croyances et de nos souffrances.

Petit à petit, et ça prendra le temps qu’il faut, mon accompagnement est là pour aider ces femmes à exprimer et à accueillir leurs émotions, à les écouter se raconter avec beaucoup d’empathie et d’amour, oui, oui, je dis bien d’amour, car vous n’imaginez pas combien c’est important à ces moments- là, pas de la pitié, mais une réelle écoute bienveillante, où la vulnérabilité qui nous traverse est NORMALE. Donc les aider à formuler leurs besoins et à les exprimer.

Et puis à porter un nouveau regard sur leur corps, reprendre confiance en elle, retrouver une image d’elle-même et d’en prendre soin.

Je parle ici du sein, mais bien sûr en fonction des traitements effectués, comme les chimiothérapie, beaucoup ont aussi perdu leur cheveux, un autre atout de la panoplie féminine que l’on connait bien.

Leur redonner du « goût » à tous les niveaux, les reconnecter à leurs sens et je pourrais dire aussi, leurs nouveaux sens, dans tous les sens du terme ! se réconcilier avec leur corps, le toucher, l’aimer.

Je pense qu’il y a beaucoup à faire dans ce domaine d’accompagnement et c’est en cela, que j’ai eu envie de créer, dans un premier temps, un atelier individuel d’une durée de 3 heures, pour ces femmes afin qu’elles aient de cette façon un espace d’intimité et une personne en face d’elles qui comprend et sait par quelles phases elles passent. Un espace où elles vont pouvoir expérimenter d’autres moyens  afin d’être sur la voie de la guérison.

Il y aura certainement à la suite de ces ateliers individuels, des ateliers où j’espère pouvoir les réunir, où elles pourront se rencontrer et partager leur créativité autour de ce qu’elles vivent et ainsi continuer à être sur la voie de la guérison.

Et pouvoir transformer la tirade :

«  »Couvrez ce sein, que je ne saurais voir.

Par de pareils objets les âmes sont blessées,

Et cela fait venir de coupables pensées. »

Tartuffe, III, 2 (v. 860-862)

Par la suivante :

 

« dévoilez ce sein que je saurai voir.

Par de pareils objets les âmes sont apaisées,

Et cela fait venir d’innocentes pensées »

Catherine et la vie qui coule en nous toutes !coeur de pétales de rose

 

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Toutes ces pensées qui nous traversent pendant « la maladie » Témoignage personnel

petite plume 

Il est environ 5h du matin, je n’arrive pas à dormir. Tant de choses se bousculent dans ma tête…

Mon bras est douloureux, cela me ramène  au cancer du sein.

Une petite voix intérieure me pousse et me dit : « écris ». Alors, je me lève, sans faire trop de bruit, et viens me planter devant l’ordinateur. Les yeux me piquent un peu, les restants de sommeil, le temps d’ajuster ma vue à la luminosité de l’écran.

Me voilà devant une belle page blanche ! Par où commencer ? Et pourquoi ?

Peut- être est-ce mon désir de « mieux faire » ? Ou bien, de comprendre ? J’opte plutôt pour la seconde hypothèse.

Depuis de nombreuses années maintenant, j’accompagne des femmes (surtout), atteintes de cancer du sein.

Lorsqu’elles s’adressent à moi, soit elles sont en cours de traitement, soit il y a rémission ( quel nom bizarre !) REMISSION : terme que l’on utilise dans le cas d’une remise de peine, pour pardonner des péchés ( en me relisant, je pense à la symbolique du cancer du sein gauche: ben oui, il y a une partie de moi qui se sent coupable et qui a pas reçu comme elle aurait aimé… et blablabla! Eh bien il  y a encore du boulot!)

Mais là pour dire : diminution d’une maladie de façon temporaire ! Il y a comme une épée de Damoclés  au-dessus de la tête !

Certains peuvent penser ou croire qu’une fois opérée, la personne est guérie. Et que la vie va reprendre son cours « comme avant »

Que nenni !C’est une période qui n’est pas toujours très simple à vivre. Jusqu’alors, pour certains la maladie et les traitements occupaient la vie du patient, le tourbillon dans lequel il se trouvait, s’arrête. Le patient peut avoir l’impression d’être laissé tombé, ou abandonné. Il a souvent des difficultés à se sentir en sécurité alors qu’on ne lui demande plus de s’investir dans les traitements. Ou, il y a de la rééducation, dans le cas du cancer du sein, même pris au début, le fait que l’on retire les ganglions sentinelles, les canaux lymphatiques eux restent, mais ne sont plus irrigués de la même façon, cela crée une fibrose des ligaments, des gonflements, douloureux au début et pour quelques temps. Cela, et je ne peux parler que de ce que je ressens, me ramène au problème, et ne me permet pas de me sentir « Guérie » et puis il y a les rayons qui vont suivre. Tout cela contribue à un stress que personne autour de soi ne peut imaginer, ou sinon d’une façon très superficielle.

En ce qui me concerne, ce qui a été et est encore le plus difficile, c’est l’attente.

Entre le jour où l’on détecte une anomalie sur la mammographie ou/et l’échographie,l’attente du rendez-vous pour faire une biopsie et là encore,  l ’ATTENTE. Puis le verdict (tiens, encore un terme de jugement !: la cour rend le verdict !) et le couperet tombe : Il faut qu’on se parle : c’est un cancer.

Et là, le sol se dérobe sous mes pieds, la voix se hache, les larmes coulent, la panique envahie tout mon corps et ma seule pensée est : je veux pas mourir ! Pourquoi moi ?? la peur s’installe, plus le temps de quoique ce soit, c’est comme si d’un seul coup la vie c’est maintenant, tout de suite, pas de plans sur la comète. Il faut agir.

Ma réaction a été d’appeler mon mari, et quelques amis proches, leur dire que j’étais terrorisée, que j’avais besoin d’eux. Tout cela peut être très différent d’une personne à l’autre, et je ne peux que témoigner pour moi, mais une fois de plus, cela me fait vraiment aller plus loin dans mon désir d’accompagnement par rapport à la maladie. Il y a d’un côté ce que l’on a appris, ce que l’on imagine quand on vous raconte et l’empathie, mais surtout, à partir d’aujourd’hui, pour l’avoir ressenti dans ma chair, il y a une connaissance, une compréhension totalement différente, une forme de saut quantique.

Et puis l’ ATTENTE encore du Rendez-vous avec le chirurgien, l’opération, savoir si la chaîne ganglionnaire a été touchée ou pas, le stade du cancer, sa forme etc… Le réveil, le pansement et se demander si finalement, les pronostics étaient justes ou pas, et si on m’avait retiré le sein ? Que de tensions, de questionnements de craintes parfois non exprimées à cet instant…. Et puis encore l ’ATTENTE du premier rendez-vous de radiothérapie…. L’ATTENTE de se sentir aller mieux, l’ ATTENTE de reprendre sa vie en main….

L’ATTENTE, action de compter sur quelque chose ou quelqu’un et puis j’entends aussi le mot  « latent » : qui existe de manière diffuse, sans être apparent, mais qui peut à tout moment se manifester.

Pourtant je suis d’un naturel optimiste, mais je ne me sens pas en sécurité, je sais qu’il faut que je fasse attention.

Cette ATTENTE peut être interminable, le temps passe d’un seul coup lentement on voudrait tout savoir, tout maitriser.

Ah ! MAITRISER, le mot est tombé lui aussi !

Ce n’est pas toujours possible, il y a des choses qui nous échappent, c’est ce que nous avons à accepter. Et Bordel ! que c’est difficile ! oui, oui, j’ai bien dit « difficile », car à cet instant précis, et c’est parfaitement juste : je ne sais pas. Je ne peux agir qu’avec ce que je sais ! Et ça, j’ai à en prendre sérieusement conscience !

Et puis, je pense aussi qu’il y a des formules à ré-inventer…

On vous dit : vous avez été opérée, on a retiré la tumeur, c’est fini ! Mais à côté de ça, il y a les rayons ou la chimiothérapie pour certaines et les traitements hormonaux dans le cas de cancer hormono-dépendant. Et votre médecin fait une demande auprès des organismes pour que vous soyez prise en longue maladie !! Il faut savoir : je suis guérie oui ou non ???

J’ai l’air de plaisanter là, mais je vous assure que tout cela contribue au stress et au petit bonhomme qui pédale dans ma tête. Je comprends mieux les réactions de certaines personnes que j’accompagne.

Pendant tout ce temps et à cette période, l’entourage est très important.

Le patient qui vient d’être soigné d’un cancer est fragilisé en raison des traitements et de la sensation de menace de mort suspendue au-dessus de sa tête. Car le patient en a souvent conscience : il faut plusieurs années pour que les médecins parlent de guérison. En attendant, il s’agit d’une rémission. Et cette incertitude est difficile à gérer.

Le patient a besoin de temps pour sortir de sa maladie, retrouver une autre image de lui-même et récupérer de l’énergie, tant au niveau physique que psychologique. Les proches doivent comprendre que le patient peut se sentir encore fatigué et lui laisser du temps.

Il arrive souvent que des patients remettent en cause des aspects de leur vie, alors que leurs proches désirent avant tout que la vie redevienne « comme avant ». Ils peuvent être inquiets de certains changements de vie auxquels le patient aspire. Le patient peut se sentir bousculé, tout en se culpabilisant de ne pas parvenir à être comme avant la maladie. Il est important d’accepter que cette réadaptation prenne du temps. Pour la personne malade, les choses ne seront désormais plus tout à fait comme avant.

Et elles ne peuvent pas l’être ; C’est une évidence !

Cette « aventure », me fait prendre beaucoup de recule, tant dans ma vie familiale que dans ma vie professionnelle.

Les choses se mettent doucement en place dans mon esprit.

Je ne pense pas à faire ou à être comme avant : non, je fais avec ce que j’ai aujourd’hui, ce que je suis aujourd’hui. Je suis en évolution et j’en ai pleinement conscience ; nous le sommes tous, mais nous ne le ressentons pas forcément.

Cet été, je me faisais la réflexion suivante : Tous ces grands maîtres, tous ces « Eveillés » qui sont morts pour la plupart de graves maladie, comment est-ce possible ? avec leur mode de vie, de pensées ?…

Je crois que j’ai la réponse : je ne suis ni éveillée ni quoique ce soit, ce n’est pas parce que j’ai une casquette de « thérapeute » que je suis à l’abri de quoique ce soit : je suis tout simplement un Être humain doté de ses faiblesses et de ses forces, vulnérable. Ca ne veut pas dire que je sois uniquement « fragile », mais cette part de fragilité fait aussi partie des multiples facettes qui me constituent. Et ça, je crois que c’est primordial d’en avoir conscience.

Alors, je ne sais pas si ce témoignage pourra en aider quelques- unes à traverser cette étape, moi, ça me fait du bien d’en parler et surtout, je pense que mon écoute n’en sera que plus approfondie et me mettra encore au plus près du ressenti, pour aider chacune à exprimer ses peurs, ses angoisses, ses désirs, ses émotions.

Voilà, je m’arrête là, mais j’ai encore tant de choses à dire… une autre fois peut-être !

De tout mon cœur.488136_318291978260493_1573265218_n[1]

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